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La personne malade qui a la chance ou la réussite d’arriver en rémission après les traitements lourds entend souvent ce genre de phrases de la part de son entourage:

  • Bravo tu as été courageux (se)!
  • Ah tu vas enfin pouvoir profiter de la vie !
  • Voilà une parenthèse qui se ferme!

Oui, toutes ces phrases ne sont pas fausses, mais … elles ne sont pas tout à fait vraies non plus.
Je ne suis pas certaine que l’on puisse parler de courage. En fait, quand on apprend que l’on est atteint(e) d’un cancer, il faut d’abord encaisser. Puis, très vite, le protocole des traitements se met en place et là, je ne vais pas dire que l’on subit, mais on suit le protocole. A-t-on le choix?
Je vais parler de mon expérience personnelle (d’ailleurs, je vais osciller entre le je, le on, le il sous-entendu le malade) , mais je sais grâce à des échanges avec d’autres femmes touchées par la maladie que ma description de la vie après un cancer n’est ni inexacte ni exagérée.

L’urgence de vivre

Ne nous voilons pas la face, même si la recherche en matière de cancer avance vite, il est clair que quand le diagnostic tombe, le malade pense tout de suite à une mort possible. Même si l’on a confiance dans l’équipe hospitalière qui va nous suivre, même si on est prêt à se lancer corps et âmes (c’est bien l’expression qu’il faut) dans le protocole de traitement, forcément on sait qu’une des issues peut être la mort. Petite remarque d’ailleurs : l’entourage essaie toujours de minimiser ce risque (et c’est bien normal) entre autres au sujet du cancer du sein car il est présenté comme l’un des cancers qui se guérit le mieux Le cancer du sein est associé à un bon pronostic : 86% des personnes sont en vie 5 ans après le diagnostic et 76% dix ans après, (chiffres Inca 2015). Mais, on en meurt encore.
Alors, après les mois de traitement, on attaque une nouvelle vie et dans cette nouvelle vie, il semble encore mille fois plus important qu’avant d’en profiter.
Si je parle de moi qui en suis à mon deuxième cancer (2 cancers différents), je ressens une urgence de vivre presque maladive. J’ai une espèce de peur de ne pas avoir le temps de faire tout ce que j’ai envie de faire dans ma vie. Du coup, je considère ma reprise du travail et le manque d’argent comme des barrières qu’il faut que je renverse. Je rêve d’un nouveau mode de vie qui puisse m’offrir la possibilité de ne plus jamais regretter ce que je n’aurais pas pu faire.
Je suis consciente que je saoule mon compagnon avec cet état d’esprit. Il me comprend mais essaie tout de même de me freiner, de me calmer. Je crois qu’il voit cet enthousiasme comme une fuite en avant.

La reprise du travail

Elle peut représenter la fin réelle,concrète de la maladie comme elle peut être un malaise, une inquiétude. Serais-je capable de reprendre mon travail comme avant? Quelle va être la réaction de mon employeur, de mes collègues? Vais-je tenir le rythme après tous ces traitements et cette période d’arrêt? Mon corps, mon esprit ne sont-ils pas trop fatigués?  Suis-je encore faite pour ce travail que exerçais auparavant? Est-ce que ce n’est pas le moment de m’orienter, de changer de voie?
Ces sentiments vont être différents non seulement en fonction de la personne, mais aussi de son type de travail et également du type de cancer et donc de traitements qu’elle a subi.
J’ai la chance d’être dans la fonction publique et d’avoir donc la possibilité d’être en congé longue maladie (même si on perd du pouvoir d’achat mais c’est une autre histoire), mais tout le monde n’a pas cette chance là. Je pense par exemple aux artisans, aux petits commerçants, quand une catastrophe pareille leur tombe dessus c’est aussi leur travail qui est anéanti.

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La peur de la recidive

Une fois les traitements contre le cancer terminés, si toute trace de cellule cancéreuse a disparu, le patient entre « en surveillance ». Une étape parfois difficile à négocier : on n’est plus malade, mais pas encore complètement guérie. On est en rémission.
Le suivi va durer toute la vie. Les visites seront de plus en plus espacées mais on ne vous lâchera pas. Je trouve cela positif, même si à chaque consultation de suivi le stress monte. On ressent cette épée de Damoclès au-dessus de soi.
Je vais être honnête, la peur de la récidive ou la peur d’un autre cancer sera là présente en moi toute ma vie. Et j’ai peur de ne pas croire vraiment les personnes qui sont passées par là et qui déclarent le contraire. Oui, il y a des moments où l’on oublie, mais la moindre douleur, le moindre signe physique un peu louche vous inquiète, vous fait peur et vous installe dans un état de stress. Mon premier cancer date de 9 ans, mais j’y pense toujours et je crains toujours la rechute. Je suis certaine que cette urgence de vivre que je ressens vient de cette peur.

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L’acceptation de son nouveau corps

Après un cancer, notre corps n’est plus le même. Il a subi des traitements (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie..) qui l’ont vieilli, abîmé (mon oncologue m’a dit qu’un traitement anti-cancer représentait pour le corps 10 ans de vieillissement prématuré).
Il y a la fatigue, il y a les séquelles et il faut aussi apprivoiser ce nouveau corps. Il faut l’accepter et arriver à se regarder dans la glace.
Je ne vous énumérerai pas les séquelles et les conséquences physiques de mes deux cancers, mais les personnes très proches de moi les connaissent. Après, on fait avec, parce que l’on est déjà bien content d’être en rémission !
Toutes ces répercussions sur le corps peuvent aussi mettre à mal notre vie amoureuse. Comme dit Namoureux, j’ai l’impression d’être avec une nouvelle femme à chaque opération, chaque traitement… car oui, notre apparence change et notre mental aussi. Il n’est pas toujours facile de gérer cela dans un couple, tout le monde ne l’accepte pas.
coeur
Si je vous parle de cette vie après un cancer, c’est que beaucoup de malades ressentent les mêmes sentiments, se retrouvent dans les mêmes conditions. Je crois que l’important est de ne pas se comparer à son ancien soi car on ne sera jamais la même personne.
Il faut envisager cet accident de la vie comme un nouveau départ, on repart à zéro et on fait avec ce que l’on est maintenant. Il peut arrive que ce soit très bénéfique : après mon premier cancer, je me suis réorientée professionnellement et j’ai pu exercer une fonction que je ne me pensais pas capable d’exercer auparavant. J’espère juste que ce 2ème cancer pour lequel j’ai entendu le mot rémission sera aussi synonyme d’une nouvelle vie, d’un changement positif pour continuer vers autre chose, autrement. J’y travaille.
Et puis, surtout, je vis en France et nous avons la chance d’être très bien soignés et très bien suivis.
Notez bien que ce billet n’est aucunement écrit pour me faire plaindre (ceux qui me connaissent bien le savent) mais pour partager mon expérience avec le plus grand nombre. Je me dis toujours qu’il se peut que mon témoignage puisse aider certaines personnes. Alors n’hésitez pas à partager, à commenter, à me parler de vos expériences autant en tant que malade, qu’accompagnant ou proche d’un malade.
coeur
Bises à tous
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34 commentaire

  1. […] vous me suivez depuis un moment sur le blog, vous connaissez un peu mes antécédents médicaux : des cancers qui m’ont laissé quelques séquelles. Suite à plusieurs interventions chirurgicales au […]

  2. Ton témoignage me parle beaucoup , tu as su mettre les mots …..Une bonne façon d’extérioriser ton ressenti …
    Le tsunami m’a frappée en sept 2012 , la déferlante des traitements (chirurgie , chimio , radiothérapie , hormonothérapie) a suivi , avec les effets secondaires ….. je suis considérée en rémission , j’ai atteint les 5 ans , nombreuses séquelles de traitement etc…. mon angoisse est toujours là …
    Je survis … je sais que je ne veux plus revivre les étapes par où je suis passée…
    Beaucoup d’émotions à la lecture de ton article, merci Sophie

    1. Bonjour Dany
      Voilà pourquoi j’écris sur ce blog, pour ce partage d’emotions…
      Moi aussi l’angoisse est toujours là. Depuis deux jours , j’ai mal dans la hanche, et la première pensée qui me vient c’est métastases…. et j’ai peur.
      Bises Dany

  3. Quel plaisir de te relire ! Même (ou surtout ?) sur ce sujet intime et sérieux , tu as le don de transmettre tes émotions justes et tu donnes l’espoir. Encore aujourd’hui je ressens ce « nous avons beaucoup en commun » ressenti il y a une dizaine d’années 😉
    À bientôt Sophie <3

    1. Et moi, qu’est ce que cela me fait plaisir de te lire ici 🙂 !!!
      Parmi tous mes brouillons d’article qui dorment encore et que je dois terminer, il y en a un qui a pour titre : mon amie d’outre-atlantique. 🙂 Il faudrait un jour que je le finisse 🙂
      xxx

  4. Bonjour,
    Je suis votre blog, si joliment et simplement écrit. Effectivement, pas de pathos, juste une plume sincère.
    Merci à vous 🙂

    1. Merci beaucoup Cat, votre commentaire me touche beaucoup. C’est exactement ce que j’espère faire avec ce blog. Ecrire sincèrement ce que je ressens.
      Mille mercis de me suivre.

  5. Je me vois dans tout ce que tu écris dans ton article. Je pense que la reconstruction est très et je pense que de toute façon il y a une vie avant et une vie après le cancer.
    Bon courage à toi et bonne journée.
    http://vaincrelecancerensemble.wordpress.com/

  6. C’est donc un long cheminement, l’acceptation, le temps des soins, la reconstruction. C’est bien normal d’être différente après ces étapes (je ne veux pas employer le mot épreuve). Etape, me semble plus juste car il faut, autant que possible, garder une bonne dose d’optimisme. Et tous ceux que je connais qui sont passés par là, ont rencontré des équipes médicales au top. C’est rassurant.
    Bonne journée.

  7. Merci de donner une voix juste et réaliste à celles et ceux qui souffrent de cancer. Cette maladie n’affecte pas que le malade pendant la période de traitement mais bouleverse la vie dans son entièreté, change le regard des autres, et le regard de soi vers soi-même. Je comprends un peu mieux le terme de « rémission », je ne pensais pas qu’il y avait un suivi à vie ensuite, je pensais qu’une fois le cancer parti, c’était terminé. J’étais naïve de penser, et peut-être un peu trop optimiste, que la vie pouvait reprendre son cours normal.
    Tu nous écris là comment il est possible de vivre avec le cancer, après lui… et même si on te l’a dit, j’ai envie de répéter que faire face à cette maladie avec autant de force et d’optimisme, d’envie de vivre, c’est très courageux <3

  8. Bonjour et merci pour ce texte qui resume tt à fait mon ressenti. ..le cancer (ca fait 7 ans, cancer du sein grade 5 metastases…) m’a emmener aux portes de la mort. ..mais 2 ans après, après beaucoup de larmes, j’ai posé mes valises, vidé mon sac me suis libérée de ts ce qui faisait ma dépression qui durait depuis 15-20 ans. Le cancer m’a giflé et réveillé ! ! J’ai réalisé que la vie était belle et que j’avais de la chance de vivre ! Oui j’ai changé en moins bien physiquement mais suis devenue si optimiste , heureuse, soif de vie…l’amour a sonné à ma porte moi éternelle célibataire ! J’ai 45 ans et mon cancer est la meilleure choses qui me soit arrivée car sans lui je serais toujours sur la voie de la depression et du suicide…il est mon compagnon de route car en chimio à vie, il fait partie de moi…alors longue vie aux roses et force et courage!!

  9. Merci pour ce témoignage , il faut une bonne dose de courage pour affronter tout ça et surtout être très bien entouré

    1. Tout à fait, être entourée compte énormément mais il faut aussi faire attention à ne pas être vue toujours comme la cancéreuse ….

  10. quel beau temoignage tellement vrais moi j ai 30 ans de recul et l angoisse reste toujours la mais il est vrait qu il faut aller de l avant et ne pas trop y pensé il est vrais que la chimio te démonte et ça on peut rien y faire depuis je ne suis plus la mème je reste tres fragile et d autre probleme se sont déclaré donc vivons l instant present comme si c etait le dernier et toujour faire de beau projet et il est vrais que l on voudrais tous faire vitesse grand v de peur de rate quelque chose et avoir des regret la vie est belle
    bise

  11. Beau témoignage que le tien. Je suis confrontée à des femmes qui sont en phase de reconstruction mammaire, c’est une autre étape, toujours lourde, mais la démarche n’est évidemment pas la même…
    Bonne journée, bizzz

    1. Bonjour Piapia , je suis moi-même en phase de reconstruction mammaire, un sein fait, reste l’autre à symétriser. Donc bien entendu ton témoignage m’intéresse. Es-tu infirmière, soignante?
      Bises

      1. Non, je suis juste secrétaire médicale d’un chirurgien plasticien qui reconstruit les seins après cancer. Mais je parle beaucoup avec ces patientes, et on parle très souvent le chirurgien avec qui je travaille (qui est est une femme) de son travail.
        Si tu as des questions, n’hésite pas.
        Bises

  12. c’est très bien écrit, sans pathos; bravo Sophie
    RESPECT
    BISOUS TOUS DOUX

    1. Merci Florence, j’espère éviter le pathos oui 🙂
      bises

  13. C’est bien d’en parler, de partager, et oui tu es courageuse parce qu’il faut beaucoup de force mentale pour lutter contre cette maladie.

    1. En fait, je ne m’imagine pas avoir vécu cette expérience sans la partager, sans en parler. C’est peut-être une forme d’exhibitionnisme :). Mais,cela me fait du bien d’écrire cela me permet d’analyser mes sentiments et si cela peut servir à d’autres, c’est le meilleur.
      Bises

  14. Un très beau billet, réaliste et courageux ! Tous ceux qui sont atteints de cette terrible maladie, mais aussi leur entourage devraient le lire.
    A bientôt

    1. Merci les Matching, j’ai tenté de le rédiger sans parler de mon cancer précisément mais en restant générale pour que ce billet puisse servir à d’autres.
      Bises

  15. Un billet qui sonne si juste ! Je ne suis pas encore passée par là ( personne n’est à l’abri ) mais mes enfants me parlent de leur métier : radiothérapeutes en oncologie. Toujours penser que la science progresse à grands pas ! Bonne journée Bisous

    1. Bonjour Petit-gris, ma radiothérapeute (qui m’a suivie pour les 2 cancers) a été ma plus proche confidente durant les traitements, j’ai apprécié son écoute. Et pourtant, ils ont un travail de dingue, le nombre de malades à prendre en charge est incroyable.
      Bisous

  16. Un très beau témoignage Sophie,
    Gros bisous

    1. Merci Solange.
      Bonne journée

  17. Juste pour poser mon témoignage après ces confidences qui vont apporter beaucoup. Je te rejoins sur le fait « qu’après  » (une intervention de la dernière chance qui réussit, ou malheureusement la perte d’un proche de nôtre age voire plus jeune)la peur de ne plus avoir le temps s’installe, la prise de conscience de nos réactions inappropriées dans certaines situations par le passé, toute sorte de questionnements avec au final, pour ma part, se rendre compte qu’une partie de notre vie ne dépend absolument pas ni de nos choix, ni de quoi que ce soit d’autre, non on ne décide pas sur tout dans notre vie. Alors pour ce sur quoi on peut avoir le pouvoir de décision, ne devrions nous pas le faire nous même sans trop se poser de questions? Et surtout gagner du temps et ne plus en perdre….bises Sophie

    1. C’est exactement ce que je ressens Poulette. D’où ma séparation d’ailleurs entre les deux cancers (et après des décès de proche), j’ai eu l’impression qu’il ne fallait pas que je me laisse vivre sans réagir, qu’il fallait que je prenne des décisions dans ma vie. Bises Poulette

  18. C est un beau très beau témoignage. Est ce que tu penses que les.femmes vivent la maladie différemment que les hommes ? Je me demande si eux aussi garde cette angoisse de la rechute. J ai l impression que les femmes en parlent plus facilement que les hommes. En tout cas dans mon entourage. Merci pour ce témoignage. Je te souhaite une belle journée

    1. C’est une très bonne question. Je pense aussi qu’ils doivent avoir cette angoisse, mais ne la partage pas, c’est ce que j’observe aussi dans mon entourage. Ou bien alors, ils peuvent être plus fatalistes :). Je ne sais pas, chacun est différent de toutes façons.
      Bises

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