Isabelle de Botton

Il y a quelques semaines, je vous avais parlé d’une pièce de théâtre que j’avais beaucoup aimée et qui m’avait réconciliée avec les classiques de Courteline (vous retrouverez mon billet en cliquant )  —-> Théâtre : L’Affaire Courteline

 

Isabelle de Botton l'affaire Courteline
crédit : Franck Harscouet

Une des actrices de l’équipe et pas la moindre a bien voulu répondre à mes questions ! J’en suis honorée, surtout qu’il s’agit d‘Isabelle de Botton, elle a accompagné ma jeunesse car mes parents regardaient bien souvent le Petit Théâtre de Bouvard auquel elle participait avec Michelle Bernier (que j’adore) ou Mimie Mathy.
Oui, souvenirs, souvenirs !
Isabelle de Botton
Bonjour Isabelle de Botton, merci de prendre du temps pour répondre à quelques questions qui vont certainement intéresser mes lectrices (et lecteurs!)

Isabelle de BottonIsabelle de Botton
Je ne suis toujours pas douée pour les selfies.

1/ Si je vous demandais de vous présenter en tant que femme en quelques phrases ?
Je suis née à Alexandrie, en Égypte, et ma famille a émigré en France quand j’avais huit ans. Comme nous parlions Français là-bas, je n’ai pas eu de mal à m’adapter, mais il me reste quelque chose d’oriental qui en fait ne m’a jamais quitté. Peut-être une certaine douceur, une façon un peu fataliste d’accepter ce que la vie propose. Mon père voulait vraiment qu’on s’intègre rapidement, qu’on ne se fasse pas remarquer, qu’on ne dérange pas. Je mesure combien le métier de comédienne m’a « sauvée ». Sous le masque d’un personnage, on peut s’affirmer, sans en avoir l’air. En empruntant les mots d’un(e) auteur(e), tout est permis : être soi, être une autre et surtout donner la main à tous les autres possibles. C’est vraiment un métier qui pousse à la fraternité, de manière intime.
2/ Et cette fois en tant qu’artiste en quelques phrases (oui, je sais ce n’est pas un exercice facile) ?
J’ai eu la chance de découvrir le plaisir intense de faire rire vers l’âge de 15 ans. Mon premier spectacle était une pièce de Feydeau, jouée au Lycée Pasteur, entourée de Michel Blanc et Gérard Jugnot. Ce fut un choc incroyable de sentir comme une vague de chaleur venant du public à chaque réplique drôle. Je n’ai eu de cesse de retrouver cette sensation enivrante. Peu à peu j’ai découvert aussi le plaisir de l’écoute émue ou tragique. Si bien que j’ai pu évoluer dans des textes très différents, passant des « Brèves de Comptoir » (m.en.sc. de J-M Ribes) à « La Maison Tellier » (m.en.sc. de J-P Hané), de « Adolf Cohen » (m.en.sc. de J. Rosner)  à « La Parisienne d’Alexandrie » (m.en.sc. de M. Bernier) .
3/ J’ai eu la chance d’aller vous voir dans la pièce L’Affaire Courteline et j’ai beaucoup apprécié. Je suis dans une période redécouverte des auteurs dits classiques et cette pièce m’a donné envie d’aller plus loin dans l’œuvre de Courteline dont les thèmes sont tout à fait actuels en fait et je vous en remercie.  Pourriez-vous me raconter comment s’est déroulé ce projet théâtral, pourquoi Courteline, pourquoi et comment ce projet ?
Ce spectacle m’a été proposé l’année dernière, alors que je jouais dans « Clérambard » de Marcel Aymé, (m.en.sc. de J-Philippe Daguerre), au Théâtre 13. C’est le jeune metteur en scène Bertrand Mounier qui m’a offert ce rôle ou plutôt ces rôles, car il s’agit de sept pièces courtes de Courteline. Je ne les connaissais pas toutes, mais bien sûr comme tous les élèves de cours de théâtre, j’avais déjà travaillé du Courteline. Et c’est une écriture tellement pointue, tellement acérée, qu’il n’était pas question d’y résister. C’est une chance de faire entendre au public ces trésors de méchanceté et de drôlerie de la culture française. Les thèmes sont universels (la lâcheté, l’égoïsme, la jalousie, l’absurdité du monde judiciaire, les rapports de couple etc.) et sont servis par des personnages d’une grande folie. Brassens disait déjà en 1967 que Courteline était au purgatoire alors que c’est un immense dramaturge. Il est plus que temps de le faire sortir du purgatoire. D’où mon engagement total à jouer dans ce spectacle dont je trouve la mise en scène très élégante.

Isabelle de Botton
credit Julien Jovenin

4/ Je me souviens de vous dans le théâtre de Bouvard et toujours entourée de Michèle Bernier et Mimie Mathy. Est-ce que l’amitié dans le milieu du spectacle peut perdurer, êtes-vous toujours en contact?
Le spectacle n’échappe pas aux règles qui régissent tous les milieux professionnels, avec ses hauts et ses bas ! Mais nous, ça fait plus de 30 ans que nous sommes amies ! Au point où nous en sommes, je pense que nous ne nous lâcherons plus jamais ! Il y a eu des moments où nous étions plus proches et d’autres plus éloignées professionnellement mais sur le fond, cela ne change rien. Quand nous nous retrouvons toutes les trois, la complicité est immédiate. Nous venons de milieux différents, de cultures différentes, nous ne pensons sans doute pas toujours pareil, mais nous nous respectons toutes les trois dans nos choix. J’ai beaucoup d’admiration pour Michèle et Mimie et me réjouis à chaque fois de les retrouver que ce soit pour un dîner, un projet professionnel ou juste pour un fou rire.
5/ Vous êtes comédienne et scénariste, quel est votre regard sur la place des femmes de plus de 50 ans dans le cinéma ou le théâtre ? Est-elle plus difficile à tenir que pour les hommes du même âge ?
Le cinéma et le théâtre sont le reflet de la société dans laquelle nous vivons et c’est enfoncer des portes ouvertes que de dire que la « femme de 50 ans et plus » est maltraitée. Ce qui est curieux c’est que toute la société française vieillit et bientôt les femmes de 50 ans et plus seront bien plus nombreuses que leurs cadettes. Tout le monde le sait mais les décideurs continuent à faire comme si seule la jeunesse comptait. J’ai écrit pendant plusieurs années une chronique dans un journal bi-mensuel « Femme Majuscule » avec grand plaisir. Malheureusement, la parution a cessé récemment, faute de financement pérenne. Mais je continue à croire que les Femmes vont faire bouger les lignes, comme elles le font en ce moment sur les problématiques des violences sexuelles. À mon modeste niveau, quand j’ai la chance d’écrire un scénario, je me fais un devoir de ne pas cantonner les femmes dans le rôle de la victime qui meurt dans les dix premières minutes, de la mère éplorée qui disparaît sous une tonne de kleenex ou de l’assistante enamourée qui n’a pas voix au chapitre. Je reste optimiste : il y a toujours eu des rôles de femmes magnifiques. Il faut juste les multiplier.
6/ J’ai beaucoup apprécié l’Affaire Courteline et je ne manque pas de le dire autour de moi, et vous, en quelques mots, dites-nous pourquoi il ne faut pas manquer cette pièce ?
C’est un spectacle rafraîchissant, enlevé, intergénérationnel, qui ne manque pas d’émotion sous son air cocasse. Et il se joue au Lucernaire qui est un lieu bouillonnant, fort convivial entre cinéma, théâtre, librairie et restaurant.

l'affaire Courteline
credit Julien Jovenin

Merci beaucoup Isabelle, et je vous dis un grand M… pour les Molières !
En effet, Isabelle de Botton est nommée (ou nominée!)  aux Molières dans la catégorie Actrice dans un second rôle, pour son rôle dans Clérambard. 
N’hésitez pas à aller applaudir Isabelle et toute l’équipe d’acteurs formidables au Théâtre Lucernaire, ne tardez pas, c’est jusqu’au 6 mai!  réservations : ICI
Et je confirme, le Théâtre Lucernaire est un endroit vivant et étonnant, j’adore y aller !
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11 commentaire

  1. Belle rencontre et super interview. Bravo Sophie.
    Bon dimanche !

  2. […] Je vous invite d’ailleurs à découvrir ICI la rencontre d’Isabelle avec Sophie du blog Tribulations d’une quinqua. […]

    1. Merci pour ce partage!!! 🙂

  3. Une belle « femme Majuscule » . Merci Sophie pour cet exercice
    Beau week-end ensoleillé de vrai ou soleil du coeur

  4. Sympa cet interview! Merci. Je me souviens effectivement de son trio à l’époque du Petit Théâtre et plus récemment de ses chroniques dans « nôtre  » magazine FM. J’envie ta vie culturelle de citadine tellement riche. Bisous Sophie

    1. bonjour Poulette, tu sais elle est riche parceque j’ai du temps pour moi, je ne suis pas certaine que je ferais autant de choses sinon.
      Bisous

  5. C’est vraiment super Sophie!
    Ton interview m’a impressionnée ! On dirait que tu as fait ça toute ta vie!
    Bravo

    1. Oh merci Beatrice !!
      C’est à force de cuisiner les élèves difficiles dans mon bureau certainement, j’aime les interrogatoires ! 😀 😀

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